Feeds:
Articles
Commentaires

Archive for novembre 2011

Miles Heller, un père éditeur, une mère actrice et Bobby,  son demi-frère, une dispute, une poussée, un accident mortel. « À propos de quoi se disputait-il ce jour-là ?  Quel mot, quelle phrase, quelle série de mots ou de phrases avaient pu le mettre dans une fureur telle qu’il avait perdu son sang-froid et jeté Bobby par terre ? » Un insupportable regret.

Il y a sept ans et demi, un exil auto-imposé, il a quitté, l’université, ses parents, ses amis, il vit maintenant dans le présent, de se limiter à l’ici et le maintenant.  Ne pas avoir de projets, c’est-à-dire ni envies ni espoirs, accepter ce que le monde vous octroie chaque jour du coucher de soleil au suivant. Il vit très sobrement, le seul luxe qu’il s’octroie, des livres qui relèvent moins du luxe que de la nécessité, et la lecture est une dépendance qu’il ne souhaite pas être guéri.

Miles, après plusieurs petits boulots dans différentes villes américaines,  travaille  présentement pour la Dunbar Realty Corporation, spécialisé dans l’enlèvement de rebuts dans des maisons abandonnées par leur propriétaire. Chacune de ses maisons est une histoire d’échec – de faillite – de cessation de paiement, de dette et de saisie. Mais apparaît  Pilar Sanchez, sous cette Floride brûlante, une petite fille, une fillette en vérité, une petite adolescente qui portait un short moulant taillé dans un jean, des sandales, et un minuscule haut sans manches. Mais elle n’a que dix-sept ans. Une histoire d’amour illicite. D’un coup de dé de plus, rien qu’un numéro de loterie tiré de l’urne en métal noir, d’un hasard extraordinaire dans un monde de hasards extraordinaires et de désordres sans fin. Miles se retrouve à Sunset Park, quartier délabré de Brooklyn dans une maison squattée avec trois autres occupants, dans cette petite maison biscornue en bois, donnant l’impression qu’on l’avait volée d’une ferme des prairies du Minnesota. Un retour à la source de sa culpabilité.

Un fil conducteur, un film américain de 1946 de William Wyler, qui remporta dix oscars en 47,  Les plus belles années de notre vie. Une toile de fond, la crise financière des subprimes. Un kaléidoscope de personnages admirablement cernés. D’excellents moments, d’autres moins réussis, mais encore et  tout simplement du Paul Auster.

 

Read Full Post »

Une petit perle, à peine une centaine de pages,  la surprise inattendue,  la découverte d’un auteur inspiré, la  récompense ; un discours minimaliste,  intimiste, imprégné de silence, d’allusions, servi par la justesse du mot incisif, laisse entrevoir un univers désemparant, accablant, singulier. Deux parents, un couple en survivance, François, Claire, un fils unique, désavoué, Guillaume. L’histoire de la grande désillusion.

«Qu’avaient-ils imaginé ? Que l’enfant acquerrait spontanément le mouvement et la grâce, puis le langage et l’intelligence ? Qu’il dispenserait sans compter les moments de joie et de fierté auxquels les parents étaient naturellement en droit de s’attendre ? Ils n’avaient rien imaginé.  Rien prévu,  rien organisé.  Ils s’étaient reproduits et, rétrospectivement, leur innocence les étonnait.»

Un courriel, avec une photo en pièces jointes. Les deux parents sont maintenant grands-parents.

François se souvient, son fils Guillaume est né en hiver. 25 ou 24 ans, qu’il surnomme l’enfant terrible. Il est petit, malpropre, déjà bedonnant.

– Qu’est-ce que tu veux ?

-Pour aller voir la mère, avec le petit…

Le temps, le gaz, manger un peu … Ça prendrait deux cents piasses. À chaque fois.  Sans argent, on pourra pas.

C’est en regardant le tapis qu’il parle.

-Ben laisse faire, viens pas. Je ne paierai pas deux cents piasses pour montrer ton gars à sa grand-mère.

Guillaume ne trouve rien à dire.  Il se lève, sort, ferme la porte, somme toute délicatement.  Le petit rideau se balance un peu, comme une jupe remuée.

Un septième roman, les trois précédents romans  Nous ne vieillirons pas (2009) La notaire(2007) et La bonde de Patrick Nicol (2005).  Un auteur québécois à découvrir pour ceux, qui comme moi, ignoraient encore ce talent  inopiné.

Read Full Post »

Paul travaille à la SAQ, un premier mariage,  une fille, qu’il adore, Marie. Un deuxième lui a donné deux fils, deux jumeaux, qui selon lui ne sont qu’une aberration spermatique, une fuite intempestive du liquide séminal,  des clones masculinisés de leur mère, des inconnus, des purs étrangers.  Paul est un miraculé, il devrait être mort depuis le mardi 4 janvier 2011.  Marie et Paul Sneijder, trente-six et soixante ans et trois autres personnes étaient à l’intérieur de l’ascenseur, deux hommes, une femme.  Une chute libre.

 « Nous nous présentâmes tous à la convocation du destin. L’accident s’est produit à 13 h 12, précise. Le mécanisme de ma montre s’est bloqué sous l’effet du choc. Depuis ma sortie de l’hôpital, je la porte à mon poignet droit.  Elle m’accompagne partout, silencieuse, l’oscillateur mécanique à l’arrêt, le balancier et la trotteuse figés, me rappelant, parfois, l’heure qu’il est vraiment et qu’il sera sans doute chaque minute, jusqu’à la fin de ma vie.

Notre miraculé, après cette aberration statistique se plonge corps et âme dans l’étude et l’étrange place que prennent les élévateurs,  porte une attention particulière sur les courses de ces Schindler et des Kones, des Otis.  L’ascenseur est au centre de tout.  C’est lui qui simplifiera votre vie ou la transformera en enfer.

«Je n’ai plus aucune idée de la façon dont les gens me voient.  Syndrome post-traumatique, dira l’un. Mélancolie résiduelle provoquée par un coma prolongé, tranchera l’autre. Ma femme, « Il faut absolument que tu ailles voir quelqu’un. » Mais une offre d’emploi attire son attention : Promeneur de chiens/Dog walker.  Longues promenades en groupe, été comme hiver.  Chiens toutes races.  Expérience et connaissance des animaux souhaitées. Contacter DogDogWalk/ Îles des Sœurs. Un emploi qui transformera son existence et son monde à tout jamais. Et cela bien malgré lui.

Une écriture parfois mélancolique, morose, tendre, parfois  humoristique, cocasse, ironique, on s’y amuse, on s’y émeut, on y réfléchit. On aime. Une vie française paru en 2004 a valu à l’auteur le prix Femina et le prix du roman Fnac.

 

 

 

 

Read Full Post »

Carrère  présente, un portrait, une biographie romancée, Limonov, né en 1943, aujourd’hui, à soixante-cinq ans.  Il a été voyou en Ukraine, idole de la contre-culture soviétique, clochard, valet de chambre d’un milliardaire à Manhattan, écrivain à la mode à Paris, soldat perdu dans les Balkans du côté des Serbes et maintenant vieux chef charismatique d’un parti de jeunes desperados, le parti national-bolchevik. Emprisonné en 2001 pour des raisons obscures, trafic d’armes et tentatives de coup d’État au Kazakhstan. Une vie passionnante. Une vie romanesque, dangereuse, une vie qui a pris le risque de se mêler à l’histoire. Limonov  répond du tac au tac: « Une vie de merde, oui ».  La seule vie digne de lui est celle d’un héros. De cet écrivain politique, prolifique, franco-russe Carrère souligne : ce n’était pas un auteur de fiction, il ne savait que raconter sa vie, mais sa vie était passionnante et il la racontait bien, dans un style simple, concret. L’un de ses meilleurs romans Journal d’un raté.

Comme toile de fond, la seconde révolution russe, les Brejnev, Gorbatchev, Eltsine, Poutine. Une première démocratie pour une première génération de capitaliste russe, « Comment savoir,  où est le bien et le mal, qui sont les héros et qui les traîtres, quand on continue chaque année à célébrer la Fête de la Révolution tout en répétant que cette Révolution a été à la fois un crime et une catastrophe ?».

Carrère en toute franchise spécifie : Cependant, c’est plus compliqué que ça.

 Succès énorme de la rentrée 2011, un roman qui m’a laissé perplexe, ambigu, sûrement pas mon préféré, un peu trop français, trop russe. Les très beaux moments, les impressions de Carrère en arrière-plan, ce dernier, récipiendaire du Prix de la langue française 2011 pour l’ensemble de son œuvre, et Limonov remporte le Renaudot 2011.

 

 

Read Full Post »