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Archive for août 2012

Héloïse Herschel, née en 1977 à  Ajaccio.

«La peau d’Héloïse est sans rides, sans histoires.  Ses longs cils noirs défendent des yeux de requin omniscient.  Héloïse a mille siècles.  Le visage éternel de l’humanité recommencée.   C’est un bébé éblouissant, né en juillet, en avance, à l’heure bouillante de la sieste, à l’hôpital d’Ajaccio, si brusquement que le docteur retenait de sa main gauche, lisse et gantée, le crâne échappé du sexe de Mirabelle, tandis que la sage-femme lui enfilait, à la main droite, l’autre gant de latex.» Héloïse est déjà amoureuse du docteur.

Héloïse,  jeune adolescente est précoce et encore follement éprise du Dr Lawrence Calvagh (chauve en gaélique), de quarante ans son ainé, ils deviennent rapidement, dangereusement, passionnés. Les amants ont de moins en moins peur.  Quelque chose les protège. Peut-être le gouffre du temps qui les sépare ou l’enfance immaculée. L’amant quant à lui,  lui qui a baisé la fille, la mère, la tante et la grand-mère. Il se demande comment revoir sa trop jeune maîtresse à Paris. Ses parents la laissent-ils aller chez des amies ? L’après-midi ? La nuit, n’y pensons même pas.  Est-ce qu’elle va le faire souffrir, le quitter pour un bébé de quinze ans à la peau bizarre, un grand enfant à la vois grave et aigüe ? Est-ce que ce sera au fond, comme toutes les autres fois ? Après la fièvre, l’excès de force et de foi, d’énergie et de pornographie, au premier chapitre de la passion amoureuse, il y aura des instants d’ennui, des silences, une phrase, bête, insidieuse, la peau décevante, quelqu’un d’autre ?

Un kaléidoscope d’émotions, d’époques, de générations, d’érotisme, de poésie. 

Derrière ces phrases courtes, savoureuses,  rythmées, racoleuses au vocabulaire parfois très cru, se perçoit, un style déroutant parfois choquant, un humour incisif. Émilie de Turckheim avec ce cinquième roman apporte un brin de folie, de fraîcheur, d’outrance, de sensualité, un vent de jeunesse balayant les conventions. Que de nombreux secrets nous cache cette jeune femme aux mirages angéliques! Les critiques sont partagées, on déteste ou on adore, mais on en sort sûrement pas indifférent, je l’ai tout simplement dévoré, un roman, une auteure à découvrir.

 

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Pour donner une différente tonalité à Mon traître publié en 2008,  inspiré d’une expérience très personnelle,  Chalandon prête la parole à Tyrone Meehan, 81 ans, combattant, prisonnier politique, héros et l’un des chefs de l’Armée républicaine irlandais,  en ce décembre 2006,  revient dans son village natal avouer sa traîtrise.

Notre narrateur en flash-back nous raconte son père violent, déçu de son Irlande, déchu par son alcool. Pat Meehan, en mai 1923 avait perdu la guerre, l’Irlande était coupée en deux, père de trop d’enfants, que l’Irlande ne pouvait nourrir. Pendant la Seconde Guerre, le père maintenant décédé, la famille quitte Killybegs pour l’autre côté de la frontière : Maman avait décidé de vendre la maison de mon père. Pendant des semaines, l’écriteau jaune et bleu est resté planté dans le gravier de notre allée.  Mais cette tristesse de pierres n’intéressait personne. Trop exiguë, trop éloignée de tout. Et puis la mort rôdait par là, la misère, la douleur de cette veuve à chapelet qui parlait à Jésus comme on rabroue son homme. Tyrone Meehan, seize ans, fils de Patraig et de la terre d’Irlande.  Chassé de son village par la misère, banni de son quartier par l’ennemi, joint l’IRA. Emprisonné dès l’âge de dix-sept ans : à cet instant, j’ai compris que ma vie suffoquerait entre ces murs captifs et ma rue barbelée. J’entrerais, je sortirais jusqu’à mon dernier souffle.  Mains libres, entravées, libérées de nouveau pour porter un fusil en attendant les chaînes.  Sans savoir si la mort m’attendrait dehors ou dedans.

Et trahir, ça a été difficile, inhumain. Ça a été trop grand pour moi. Alors ne me demande pas pourquoi, ce pourquoi, c’est tout ce qui me reste.

Tyrone Meehan a été enterré le 14 avril 2007, au cimetière de Belfast, accompagné de sa seule famille. Il a été tué à bout portant, d’un fusil  de chasse, par deux tueurs cagoulés.

Sorj Chalandon, journaliste, auteur de plusieurs romans dont Une promesse lauréat du Médicis 2006, Retour à Killybegs, remporte le Grand prix du roman de l’Académie française. Un  roman mémorable.

 

 

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