Feeds:
Articles
Commentaires

Archive for juin 2011

Tous les jeudi soir, dans des endroits qui différaient de semaine en semaine, se rencontrait cette association à but non lucratif qui a pour vocation de questionner son époque et ses mœurs. Des hommes, victimes souvent d’eux-mêmes, apportent leurs témoignages sur leur relation féminine autant romantique que sexuelle. Un rendez-vous réservé aux hommes, où il était questions de femmes, où l’on ne tolérait que les individus sincères. Une thérapie de groupe sans thérapeute.

L’auteur nous présente trois participants de ces réunions,  dont on suivra ce destin,  cette solitude depuis leur mésaventure, leur échec avec l’ex-conjointe. Philippe,  dit le philosophe, sociologue réputé, curieux de l’âme humaine, maintenant divorcé, par vengeance, fréquente assidument un célèbre mannequin,  une des femmes les plus adulées du monde.

 Yves, poseur de fenêtre, l’homme que ne pardonnait pas, dont l’épouse trompa, un soir d’ivresse, avec un gogo dancer, un simple danseur nu. Il  dépense ses dernières économies avec une foule de prostitués. « Il allait s’offrir le corps d’une femme dans sa plus secrète intégrité, mais aussi sa complaisance, sa docilité, sa science du plaisir masculin, et faire d’elle  l’objet parfait de son désir, un outil de fantaisie, un terrain de jeu, un jouet vivant, un laboratoire à fantasmes. Plus il fréquentait les prostituées, plus il réalisait que son plaisir véritable consistait à fissurer la carapace de ces femmes endurcies par tant de viols consentis. »

 Et Denis, garçon de table, ayant obtenu énormément de succès auprès de la gent féminine avant sa trentaine, maintenant les femmes le fuyaient comme la peste, il  se croyait victime d’une machination punitive des femmes. Faisant face à une sévère dépression, une étrange inconnue squatte son appartement sans aucune explication.

Un roman mâle explorant cette psyché très masculine envers la relation amoureuse. Une écriture originale, sympathique, parfois fantaisiste, parfois intense, débordant d’humour, qui capte notre attention jusqu’à la dernière ligne.

 

Read Full Post »

«Le plus terrible d’une rupture se confirme, c’est le ton neutre qui l’accompagne.  Ce moment où l’on comprend que l’on a perdu la capacité d’émouvoir l’autre. Mon esprit affolé cherche une issue.  Si j’étais Jackson Pollock, j’ajouterais des coulisses mauves sur mes toiles.» 

David Dupuis, médecin, suite à un son inconsolable chagrin s’exile d’abord en Abitibi, puis trouvant cette distance insuffisante, pour Médecin sans frontière, l’Afrique. C’est avec vingt kilos de vêtements légers, de livres et de prophylaxie pour la malaria qu’il part pour le Soudan, « je n’ai aucune idée de ce qui m’attend, et c’est très bien ainsi. Le Sud-Soudan est le royaume de la bestiole inquiétante. Toutes ces bestioles.  Tous ces bruits inquiétants, la nuit.  Et moi qui m’habitue, peu à peu, à mon nouvel environnement.  À ma nouvelle planète. Ici, le fatalisme et la passivité sont des règles de base.  Je n’aime pas le désordre, la malpropreté, le chaos permanent.  Je n’aime pas l’odeur d’étable dans la salle de pansement.  Sur la dalle de béton s’écoulent des rivières de bactéries dans lesquelles nagent des mouches. » Retour en catastrophe de cet enfer insoupçonné, gravement malade, inconscient, David revient d’urgence au pays. Dans son sac maintenant, un lourd excédent de bagages, celui des idéaux personnels en banqueroute. 

C’est en italique que l’auteur nous présente l’ami de toujours, Loïc, qui, en parallèle au fil des chapitres, on fait lentement, la connaissance : C’est dans les brusqueries de l’enfance qu’on reconnaît le mortier qui nous unit, Loïc et moi.  Un treize décembre, au jeu du peureux, c’est celui qui tient le plus longtemps qui gagne l’admiration de l’autre.  Un chemin de fer, Loïc a gagné haut la main, il perd un bras. Un truc à la Steinbeck de dépendance mutuelle, seulement je fais un Lenny très intelligent. 

Un premier roman pour ce participant de La course autour du monde version 1991-92, aujourd’hui médecin pratiquant au Nunavut. Une fiction d’une écriture claire, intelligente, parfois poétique, demeurant toujours crédible, explore les grands thèmes de l’amour, et  l’amitié. Un pronostic qui semble très prometteur.

 

Read Full Post »

 Ingrid Dreyer, architecte, divorcée, mère. « Une femme célibataire qui a réussi et, aux yeux de certains, encore belle. Du moins, aux yeux de ceux qui lui importent, mais elle a trop maigri. On le voit avec la robe qu’elle a choisie pour la soirée, on voit son âge. Il y a quelque chose à la clavicule et à la peau des bras, mais pas seulement.  Le téléphone sonne, les pulsations de la tonalité lui semblent aussi étrangères que les meubles anonymes de la chambre. Le bourdonnement intermittent du téléphone lui donne l’impression d’être constamment surveillée. » Son fils a été arrêté dans une ruelle. Jonas  et ses camarades encerclaient un garçon à terre, un jeune arabe, et lui donnait des coups de pieds dans la tête et dans le ventre. Une autorité parentale absente ? Une responsabilité accaparante, une culpabilité envahissante ?

 « Quelque chose lui échappe, quelque chose d’invisible, de ténu, de fragile, quelque chose qui malheureusement, ne peut se dissimuler derrière le corridor dérobé et lustré de la religion, et qui ne relève pas davantage du civisme ou de l’autorité sanctionnée par l’usage. L’enfant que l’on a aimé, choyé, et protégé se métamorphose en petite brute butée.»

Et  pourquoi a-t-elle divorcé ? Un amant marié beaucoup plus vieux qu’elle, mais. «Une relation capable de lui faire oublier le temps et l’espace, tellement incompatible avec son image de femme ambitieuse, indépendante et cool, mais il n’y a rien à faire.» Une relation clandestine, illégitime, une culpabilité, un mensonge qu’elle ne peut supporter. 

Quatre jours en mars, du jeudi au dimanche, un immense retour vers des passés, celui d’Ingrid, de sa mère et de sa grand-mère, une profonde exploration psychologique de l’influence familiale, une immersion viscérale dans l’intimité, la complexité, la fragilité féminine. « Elle n’a pas l’impression de voir trois générations, plutôt des stades différents de l’âge, du vieillissement, de l’impuissance.  Bien entendu, comparée à sa mère, à sa grand-mère, elle est encore jeune, mais elle a passé le stade où l’éventail des possibles était le plus grand et le plus prometteur. »

Jens Christian Grøndahl, un  auteur masculin qui explore de façon magistrale toute la complexité du  féminin moderne. Un grand artiste de l’écriture. Une très belle découverte cet auteur danois, un roman qui définitivement, subjugue, impressionne

Read Full Post »

Lalonde revient avec un carnet, enjolivé de ses pastels et aquarelles, décrivant un été passé à Sainte-Cécile-de-Milton, son lieu de prédilection pour vivre ne serait-ce qu’une provisoire saison en ermite. Dès le départ, en attente dans un terminus en plein champ, l’auteur partage ses rêveries.

 «Soudain, je me vois me lever et marcher vers la lumière blonde de la prairie.  J’ai dix-sept ans, toujours, et je veux voir, humer, écouter.  Je veux sentir mes cuisses fouettées par les tiges rudes, encore mouillées de rosée.  Je reste assis à attendre, comme les autres, et pourtant je marche, je m’aventure, je saute la clôture.   Je pense : je rentre chez moi.  M’attendent là-bas, le mil fin, l’asclépiade en boutons, le brûlot vorace, l’effluve entêtant des trilles, les blancs et les mauves, la boue glaiseuse, les arpèges de la rive, un vertige versicolore, le renoncement à mon rôle, à mon personnage.  Non pas à la paix, surtout pas la paix, toujours trompeuse, mais au contraire le brusque réveil de mes sens.

Une pléiade de citations de ses auteurs fétiches accompagne cette plume contemplative, Wolf, Jean-Jacques Rousseau, Borduas, Rimbaud, et j’en oublie. Un des amis de la capitale demande à Thoreau

–         Que fais-tu seul là-bas, dans ton coin perdu ?

–         L’ermite de Walden Pond laconiquement répond : Je cueille des baies dans la forêt obscure.

L’auteur décrivant ce seul et court instant.

«Qu’en est-il de cet instant qui oblige à sortir de soi, de cette courte illumination qui fait s’ouvrir l’œil, frissonner la nuque, trembler nos certitudes et nous amènent à douter de notre âge? On a de nouveau sept ans et le monde redevient une énigme merveilleuse.»

 Encore et toujours un immense plaisir de passer quelques heures avec Lalonde, qui au fil de ses écrits se laisse découvrir peu à peu. Un carnet que j’aimerais bien relire, quelques merveilleux détails m’ont sûrement échappés. Pourquoi pas ?

 

Read Full Post »